Vladimir Buzayev, 2014, Situation juridique et sociale de la minorite russophone en Lettonie
Introduction
Cet ouvrage est le résultat de la surveillance du sort affectant les minorités nationales lettones menée par le Comité des droits de Lettonie depuis sa fondation en Décembre 1992. Ses cinq chapitres traitent des problèmes de la démographie, de la politique linguistique, de l’éducation, de la culture et de la citoyenneté et de l’économie..
Cette recherche est basée sur les monographies antérieures se rapportant a la situation des minorités nationales en Lettonie dont Vladimir Buzayev est l’auteur ou le co-auteur. En plus de contenir les tout derniers résultats, cet ouvrage pour la première fois apporte sous une même couverture les conclusions antérieures de l’auteur. Il intègre également les données d’autres recherches sur la question. Les principaux événements concernant les droits des minorités nationales ainsi que toutes les données statistiques, dont 78 tableaux et 42 graphiques, sont mis à jour à partir de 2013. Afin de fournir la vision la plus objective de la Lettonie d’aujourd’hui, l’auteur utilise des informations provenant d’un large éventail de sources historiques et internationales.
Le chapitre «démographie comparée” indique que, pour les vingt dernières années de la Lettonie a été champion du monde en matière de diminution de la population; même le fait que l’émigration économique massive révélée par le dernier recensement de la population n’ait pas été prise en compte, cela ne modifie pas cette position de chef de file. La taille de la population de la Lettonie a chuté passant de 2,7 à 2 millions de personnes, soit une baisse atteignant le niveau démographique de 1900 Le chapitre montre également la dynamique du nombre de Lettons vivant à l’étranger. L’estimation est basée sur le nombre d’enfants lettons nés à l’extérieur du pays: il a augmenté pour passer de 166.000 en 2009 à 295.000 en 2012.
Ce résultat sans précédent a été obtenu en raison de la politique d’ “éviction” des minorités nationales du pays; leur sortie relative dépasse celle des Lettons de souche, elle est cinq fois plus forte, même si les Lettons de souche, eux aussi quittent le pays en masse.
La diminution relative de la population nationale minoritaire est de 2,5 fois plus élevée que la pertedémographique relative de l’URSS au cours de la Seconde Guerre mondiale; l’émigration en est une cause majeure, une autre est la différence significative entre le taux de natalité et le taux de mortalité, qui dépasse le ratio similaire de la population lettone de souche d’un facteur trois. Il est prouvé que la différence mentionnée ci-dessus, qui a été minime au moment de l’effondrement soviétique, ne peut être attribuée à des causes naturelles, mais sont plutôt des preuves manifestes de l’inégalité ethnique. Les comparaisons internationales montrent que le taux de diminution naturelle de la population nationale minoritaire de Lettonie nationale n’est équivalent à nulle autre dans le monde.
L’auteur utilise les données des trois derniers recensements afin d’analyser les changements dans la composition par âge de Lettons de souche et des non-Lettons. L’augmentation constante de la population de l’URSS a été remplacée par une diminution constante après son effondrement en raison de l’émigration massive de la population active.
Le livre analyse la situation de tous les sept plus grands groupes nationaux officiellement enregistrés en Lettonie. La recherche comprend également les Latgaliens, qui ne sont pas enregistrés en tant que groupe ethnique, même s’ils constituent le deuxième plus grand groupe ethnique après les Russes en Latgale et le troisième plus grand dans le pays.
Les données démographiques comparatives sur les trois États baltes ne confirment pas les affirmations de la propagande officielle insistant que «le gouvernement de l’URSS délibérément inondé la Lettonie avec des centaines de milliers de migrants dans le but de détruire l’identité de la nation lettone”. Au contraire, ces données servent de preuve d’un contrôle rigoureux de la pression démographique naturel au niveau de ces régions de l’URSS ayant les taux de natalité les plus élevés. Les données déraisonnablement oubliés du dernier recensement de la population soviétique de 1989 qui ont été publiées seulement en 1992, ont permis à l’auteur de réhabiliter le portrait des «migrants»: ces gens étaient mieux éduqués que la population locale et ont été utilisés dans les industries vitales et à forte main-d’œuvre. En outre, la plupart d’entre eux vivaient dans les auberges et les appartements collectifs et constituaient à peine un fardeau pour les services sociaux.
Le chapitre «unilinguisme dans le pays bilingue» décrit l’évolution de la législation linguistique et l’utilisation effective des langues dans la Lettonie actuelle; il comprend des données comparatives du siècle dernier. Il montre également la différenciation de la langue dans la Lettonie d’avant-guerre et les réalisations de la RSS de Lettonie dans l’enseignement de la langue lettone auprès des minorités nationales. Les minorités nationales moins nombreuses sont assimilés dans les environnements letton et russe; ce processus est fortement accéléré en Lettonie d’aujourd’hui et semble être proche de son terme. Ce livre fournit une analyse systématique des données sur la limitation des droits linguistiques des minorités nationales dans les années 1990.
Une attention particulière est portée sur les problèmes modernes d’évaluation de la langue concernant les adultes et les élèves dans le cadre de la règle de décision au niveau du Conseil des ministres. Cette décision implique l’introduction de la réglementation linguistique dans la sphère de l’entreprise privée et des expériences linguistiques au niveau des normes de base et supérieures. L’auteur a également découvert et analysé les résultats de l’examen centralisé du lycée portant sur la langue lettone de 2012 que l’État essayait de cacher. Ce futl’année où les exigences furentharmonisées, ce qui signifie qu’elles devinrent les mêmes pour tous les jeunes qui quittent l’école, à la fois pour les locuteurs natifs et non- natifs. Les données réelles analysées par l’auteur montrent que l’introduction de la langue lettone dans les écoles russes en tant que langue d’enseignement qui n’a aucun précédent dans la République d’avant-guerre et ne conduit pas à une amélioration de l’acquisition de la langue, objectif déclaré de la «réforme» devant aboutir à une meilleure compétitivité des élèves russes.
Le livre comprend également des recherches sur les activités du Centre linguistique de l’État, qui a connu sa deuxième «Renaissance» en 2011 – 2013 grâce aux alertes lancées pour la défense de la langue et ses inspections linguistiques. Il est prouvé que les méthodes actuelles de contrôles linguistiques ne diffèrent pas de celles qui ont déjà été condamnés dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Commission des droits de l’homme des Nations- unies. Quelques exemples de procédures en appel réussiessont donnés concernant le Comité letton des Droits de l’Homme contre les actions du Centre Linguistique de l’État.
Le chapitre «L’espace culturel et éducatif” se concentre sur la recherche sur les restrictions législatives et l’état actuel de l’enseignement en langue russe de la maternelle à l’université. Il fournit des données statistiques sur l’abolition des écoles russes et bilingues dans tout le pays et aussi dans différentes régions (y compris Riga et d’autres grandes villes, ainsi que la campagne), qui montrent clairement que ce processus n’est pas causé par une nécessité économique. La privation réelle de la possibilité de recevoir un enseignement en langue russe n’importe où en dehors des grandes villes (à l’exception de la province de Latgale), qui a eu lieu après que la Lettonie ait ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, contrevient aux obligations internationales du pays. Les toutes dernières données statistiquesindiquent une forte croissance du nombre de jeunes écoliers intégrant l’école russe, ce qui prouve que de plus en plus de parents choisissent les écoles russes pour leurs enfants.
Le livre fournit des données sur le sport et la culture, qui montrent que la plupart des réalisations dans ces domaines se rattachent aux périodes où la Lettonie faisait partie de l’Empire russe et plus tard de l’URSS. L’analyse comparative de l’édition des livres démontre la préponderance de la nation titulaire observée dans la République soviétique de Lettonie. Cependant, dans les Lettonie d’aujourd’hui, elle est vraiment énorme, au-delà de toute comparaison avec la République d’avant-guerre de la Lettonie.
Le livre décrit également la version officielle des événements historiques qui ont eu lieu entre 1940 et 1991 et les méthodes utilisées pour défendre cette version. Un accent particulier est mis sur le 16 mars, Journée des légionnaires et le 9 mai, Jour de la Victoire.
Le chapitre « non-citoyenneté de masse ” décrit l’évolution de la législation sur la citoyenneté et fournit les statistiques pertinentes, y compris la liste des 80 différences relatives entre les droits des citoyens et des non-citoyensqui sont toujours en vigueur. Par ailleurs, la Lettonie est en avance sur tous les pays de l’UE en termes de population sans-citoyenneté. Avec les non-ressortissants d’Estonie, ils constituent 92 % de toutes les personnes apatrides parmi la population de 500 millions d’individus de l’UE. Bien que le nombre de non-citoyens lettons diminuade 2,5 fois par rapport à 1996, ils représentent encore 34 % de l’ensemble de la population nationale minoritaire en Lettonie et de 14 % de la population totale du pays. Aujourd’hui, la proportion de personnes nées entre tous les non- citoyens est de 41%, mais parmi ceux qui sont de moins de 50 ans, il est de 74%. Le terme moyen de résidence pour les non-citoyens n’étant pas nés en Lettonie mais qui y vivaient en 2013était de 46 ans, ce qui dépasse la durée totale de l’indépendance du pays (1918-1940;1991-2013). Cette durée est deux fois plus longue que l’existence de la Seconde République de Lettonie. Néanmoins, ils sont encore dénommés immigrants avec une persistance qui pourrait être beaucoup mieux utilisé ailleurs.
Au cours des cinq dernières années, la diminution du nombre de non-citoyens par le biais de leur naturalisation n’a pas dépassé un quart du chiffre global de décroissance. Le nombre de demandes de naturalisation et le nombre de personnes qui ont obtenu la citoyenneté était au plus bas au cours de la période de 18 ans d’applicationde cette procédure. Au cours des quatre dernières années, l’acquisition de la citoyenneté russe est devenue plus populaire que la citoyenneté lettone.
Le taux de diminution du nombre de non-citoyens d’aujourd’hui nous fait supposer que d’ici 2027, il y aura encore environ 150.000 non-citoyens vivant en Lettonie et 75.000 en 2041. Parmi tous les apatrides vivant dans l’UE aujourd’hui à peu près 36.000 sont d’origine non-lettonne ou non-estonienne.
Le chapitre «situation économique et sociale” estime les dégâts infligés au pays par la destruction des secteurs qui ont été déclarés être “pas pertinent pour la Lettonie”. Nous considérons qu’il représente 240 milliards LVL, soit le volume du PIB estiméàpresque vingt fois celui de l’année 2010. Il est également démontré que les représentants des minorités nationales sont largement contraints de quitter le secteur public, alors qu’ils sont largement représentés dans les activités du secteur privé qui fait appel au travail manuel requérant de faibles qualifications.
Le taux de chômage parmi les minorités nationales est disproportionnellement élevé. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le chômage de longue durée.
En 2002-2009, le salaire moyen des représentants des minorités nationales était supérieur à celui des Lettons ethniques de 8%, et en 2012 leur proportion parmi les individus estimant leurs revenus inférieurs à la moyenne était supérieure à celui des Lettons de souche de 6 %. Environ 1/3 des retraités parmi les représentants des minorités nationales ont souffert de la limitation des droits des non-citoyens à obtenir une pension pour les années de travail cumulées pendant l’époque soviétique ce qui a été reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme comme discriminatoire. L’auteur du livre estime que les dommages les affectant se montent à 140 millions de lats.
Globalement, les données de cet ouvrage sont destinées à ceux qui souhaitent se livrer à une discussion pondérée sur les conditions des minorités nationales de Lettonie en vue de la mise en conformité de la situation actuelle avec les normes internationales dans ce domaine.
La version anglaise de l’ouvrage comporte vraiment un ajout majeur par rapport à la version russe (de 2012). La version française est identique à la version anglaise (de 2013).
L’auteur exprime sa profonde gratitude au soutien et à la Fondation pour la Défense des Droits des Compatriotes résidant à l’étranger, sans son aide, il serait impossible de publier ce livre. L’auteur est particulièrement reconnaissant envers ses collègues du Comité letton des Droits de l’Homme, Nataly Elkina, Tatjana Ždanoka, Alexandre Kuzmin et Tatjana Feigmane, docteur en histoirepour leurs commentaires et leur aideà la réalisation de ce projet. Une reconnaissance particulière de l’auteur va à Alexandre Kuzmin, qui édita le texte intégral de ce livre après qu’il ait été traduit en anglais ainsi que pour sa présentation des annexes 3 et 4.
Les matières rassemblées dans les annexes montrent que la position des organisations internationales concernant la situation des minorités nationales est plus proche de l’opinion de l’auteur plutôt que de l’opinion du gouvernement de Lettonie.


















